Le lendemain, nous sommes partis pour l’Arménie occidentale (c'est ainsi que les Arméniens appellent ces territoires), d'où proviennent tous les Arméniens qui vivent aujourd'hui en France, aux États-Unis, etc.
J'ai pu visiter Erzurum, Mush, Van, l'île d'Akhtamar, où se trouve la plus belle église que j'aie jamais vue, Ani (la ville aux mille églises) et Kars. Dans chaque ville, j'ai essayé de chanter dans la rue, mais je n’ai jamais pu car il fallait une autorisation. J'ai quand même réussi à chanter dans les églises. Il était important pour moi que les murs de ces églises entendent à nouveau la langue arménienne.
Kars a été la dernière ville que nous avons visitée. C'était la ville que j’attendais avec impatience, car c'est à Kars que mon poète préféré, Yeghishe Charents, est né en 1897. Sans doute grâce à la connexion cosmique qui me lie à Charents, par miracle, j'ai pu chanter dans la rue de Kars, le soir. Et c'était absolument incroyable et hors du commun.
Avant la représentation, j'ai dit à mon ami : « j'espère qu'ils ne me tueront pas. » J'ai chanté des chansons en arménien dans les rues de cette ville, où pendant cent ans, il était interdit de parler arménien et où il valait mieux taire ses racines arméniennes. Les gens qui m'entouraient ne comprenaient pas qui j'étais, ni dans quelle langue je chantais. À un moment donné, je leur ai demandé en turc - grâce à Google Traduction - s'ils comprenaient de quelle langue il s'agissait et d'où je venais. Ils ont répondu : « Non. » Je leur ai alors dit que je venais d'Arménie. Ils ont applaudi et m'ont dit : « Bienvenue ! »
C'était probablement la plus grande victoire de ma vie : arrêter de haïr. Je suis convaincue que c'est Charents qui m'a aidé à réaliser mon rêve de chanter à Kars.
C'est pourquoi l'album 1303 est si important pour moi. Aujourd’hui, je veux pouvoir le partager avec le monde entier.